L'histoire du CHAI
200 ans au service de la santé mentale
Premier hôpital psychiatrique moderne en France à sa construction, plus bel établissement en 1875, mais aussi asile d’aliénés avec peu de moyens thérapeutiques et de personnel. Le Centre Hospitalier Alpes-Isère (CHAI) est ainsi un établissement riche de son histoire.
XIX e Siècle
1812 : Le dépôt de mendicité
Le dépôt de mendicité est créé sur ordre de Napoléon en 1812. Ce n'est cependant qu’en novembre 1816 que le département annonce l’ouverture. Il s’agit avant tout d’enfermer la population « indésirable ».
1812 – 1844 : Du dépôt de mendicité à l’Asile départemental Saint-Robert
Le prieuré Saint-Robert, petit couvent fondé par Guigues-le- vieux, est construit à Saint-Egrève en 1070 par des moines sous la dépendance de l’abbaye bénédictine de la Chaise-Dieu. En 1691, Louis XIV bâti ensuite dans les jardins un hôpital pour les malades et blessés de l’armée d’Italie, qu’il abandonne aux religieux.
1840 : L’asile départemental d’aliénés de l’Isère
Pour se conformer à la loi de 1838, le Conseil général de l’Isère transforme le dépôt de mendicité de Saint-Robert en asile départemental d’aliénés. En 1845, il décide enfin d'affecter exclusivement l’asile au traitement de l’aliénation mentale. Cependant, les filles mères resteront jusqu’en 1887 et les vénériens jusqu’en 1840.
1843 – 1958 : Les sœurs de la Charité : 115 ans au service des aliénés de Saint-Robert
Face aux conditions de vie déplorables et au manque de personnel, l’abbé Marchant, curé de Voreppe, fait appel en 1843 à la congrégation des sœurs de la Charité de la Roche-sur-Foron pour s’occuper des malades. En avril 1843, cinq sœurs arrivent alors à l’asile départemental pour s’occuper de 169 aliénés. Cependant, avec l’arrivée du Dr Évrat, un conflit long et sérieux s’installe entre les religieuses et le directeur. Pas habituées aux lois administratives, les sœurs se sentent dépouillées de leurs responsabilités. Elles ont du mal à trouver leur place en tant que personnel sous la direction du Dr Évrat. En 1935, on pouvait compter près de 60 sœurs, affectées aux soins des malades ou dans les différents services : cuisine, lingerie, pharmacie… . Bien que leur départ soit maintes fois retardé, le 2 juillet 1958 les 28 religieuses encore présentes à Saint-Robert quittent définitivement l’établissement.
1844 – 1864 : Dr Évrat et la modernisation
Sous l’impulsion du Dr Évrat et face à une surpopulation de l’asile, un projet de restructuration et de réorganisation se met en place. Louis Antoine Évrat, médecin, puis médecin directeur de l’asile de Saint-Robert, est le véritable artisan de la création d’un asile d’aliénés « moderne ». Celui-ci se conforme aux connaissances scientifiques de l’époque et est considéré par Ferrus comme le « plus gai de France ». Cependant, son arrivée n'est pas des plus faciles. Il décrit l’établissement ainsi « je n’ai pas trouvé la plus légère trace d’organisation administrative et d’organisation d’un service médical… ». Pendant 20 ans, le Dr Évrat va ainsi transformer l’établissement malgré les tracasseries administratives et les oppositions franches avec la Commission de Surveillance. En 1858, une organisation rigoureuse va se mettre en place dont les maîtres mots seront ordre et discipline.
1938 – 1945 : L’hôpital durant la seconde guerre mondiale
En 1940, Saint-Robert devenu hôpital psychiatrique départemental, accueille 1700 malades. Ainsi, il se retrouve parmi les « grands » établissements psychiatriques français. L’Isère est en zone libre. Mais l’hôpital reste sous la tutelle de l’administration de Vichy. Il accueille, à partir de 1944, plus de 800 malades venus d’hôpitaux réquisitionnés. Mais le rationnement mis en place par Vichy en 1940 est insuffisant pour vivre. Les malades n’ont aucun moyen de trouver une nourriture additionnelle aux cartes de rationnement. Ils sont entassés dans les dortoirs (jusqu’à 80 personnes par dortoir) avec un seul médecin parfois pour 1000 patients.
La surmortalité liée au manque de rationnement est devenue évidente dès l’année 1941 sans que la préfecture n’intervienne. En effet, entre 1940 et 1945, 1 778 malades ont péri à Saint-Egrève. Le 26 mai 1944, la commune de Saint-Egrève subit un bombardement allié. Bien que l’hôpital ne soit pas visé, le pavillon annexe de Vence est quant à lui complétement détruit. Il abritait 64 malades dont 23 alités. Le bilan fait état de 17 morts et 25 blessés.
XX e Siècle
1945 – 1960 : Vers de nouveaux traitements de la maladie mentale
Après-guerre, la situation de l’hôpital psychiatrique départemental ne s’améliore pas. Ainsi, 800 malades s’y entassent encore, bien au-delà du chiffre autorisé, isolés en cellules ou contenus par des camisoles de force.
1952 : Le premier neuroleptique
Dans la mémoire des soignants de la fin des années cinquante, la principale transformation thérapeutique réside dans l’introduction des neuroleptiques. Le silence a remplacé les cris. Les neuroleptiques sont des médicaments qui agissent sur le psychisme et qui sont plus particulièrement utilisés dans le traitement des psychoses telles que les psychoses maniaco-dépressives ou la schizophrénie. Parallèlement en 1952, le diplôme d’infirmier psychiatre est créé. C’est le début d’une nouvelle approche psychiatrique, plus humaine.
1960 – 1980 : Une vision humaniste de la psychiatrie
L’approche de la psychiatrie change grâce aux infirmiers psychiatriques et médecins tels que les Docteurs Million, Heyward, Goldsteinas et d’autres, « patrons » pionniers d’une humanisation de l’hôpital. Des activités thérapeutiques, des réunions soignants/soignés ainsi que la publication d’un journal interne vont être mis en place. Le comité Croix-Marine va s’inscrire dans « un vaste mouvement d’amélioration de l’assistance psychiatrique dont le but est d’exercer la protection et l’entraide psychologique et sociale en faveur des handicapés et mal adaptés psychiques ».
Le Dr Millon créé en 1956 le comité hospitalier du Dauphiné, qui prend en charge l’organisation des activités sociales des malades. En février 1969, les médecins de Saint-Egrève, soutenus par le directeur M. Louis, obtiennent l’application de la circulaire du 15 mars 1960. Cette circulaire propose un nouveau modèle thérapeutique, une politique de secteur. Dorénavant ce sont les professionnels du soin qui vont vers les patients au sein de leur communauté. Ce changement permet d'intervenir avant la nécessité d’hospitaliser et faciliter la réinsertion après l’hospitalisation. La mise en place du secteur va permettre le travail en équipe pluridisciplinaire. Psychologues et assistants sociaux vont être recrutés.